Introduction
1. Cadre de l’étude
L’étude sur les enceintes sportives connectées a été lancée conjointement par sept acteurs majeurs du sport français représentant à la fois les pouvoirs publics, le monde fédéral et les sports professionnels :
- Le Ministère des sports,
- La Fédération française de football (FFF),
- L’Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP),
- La Ligue nationale de basket (LNB),
- La Ligue de football professionnel (LFP),
- La Ligue nationale de handball (LNH),
- La Ligue nationale de rugby (LNR).
Le lancement de l’étude s’inscrivait notamment dans le cadre du programme d’études de l’Observatoire de l’Economie du Sport et l’action 13 du contrat de la Filière économique du sport (élaboration d’un référentiel en termes de connectivité des équipements sportifs).
Les sept commanditaires ont choisi d’en confier la réalisation à un groupement d’entreprises spécialisées dans les questions d’enceintes sportives et du numérique :
- Olbia Conseil (Benjamin CARLIER et Pierre MESSERLIN),
- Advise Consulting (Eric MÉRAND),
- 10TO11 (Guillaume LAIRLOUP).
L’étude a débuté le 18 janvier 2018 avec l’organisation du premier comité de pilotage réunissant les commanditaires et le groupement. Quatre autres comités de pilotage ont suivi (12 février, 16 mars, 14 mai et 13 juin) jusqu’à la livraison de l’étude finale. Ils ont établi un dialogue permanent entre les commanditaires et le groupement et ont été à cet égard essentiels dans l’orientation de l’étude et la définition de son contenu.
Les représentants des commanditaires au comité de pilotage étaient :
- Ministère des sports : Hubert TUILLIER, Responsable de la Filière Sport,
- FFF : Pierre-Antoine BASSERAS, Juriste à la Direction des Relations institutionnelles,
- ANLSP : Frédéric BESNIER, Directeur,
- LNB : Mathieu DESVALOIS, Conseiller aux Opérations sportives,
- LFP : Benjamin VIARD, Responsable du Service Stades, et Maël GARDE PROVANSAL, Chargé de mission Stades,
- LNH : Christophe JANOT, Directeur du Développement,
- LNR : Guillaume GOUZE, Responsable du Service Stades.
L’étude sur les enceintes sportives connectées est présentée sous la forme de trois cahiers qui forment un bloc cohérent et visent à donner aux clubs les connaissances et outils nécessaires en vue d’élaborer et de réaliser un projet de digitalisation de leur enceinte, en autonomie ou avec l’appui de sociétés de conseil et d’experts.
- Cahier 1. Cadre, enjeux et objectifs de la digitalisation des enceintes sportives.
- Cahier 2. Programme fonctionnel à destination des clubs et des exploitants d’enceintes.
- Cahier 3. Projet pour une enceinte connectée : préconisations pour la structuration, le financement et la mise en œuvre d’un projet de digitalisation au niveau des clubs, des ligues professionnelles et des fédérations sportives.
2. Objectifs de l’étude
La connectivité des équipements est une thématique de première importance pour l’ensemble des acteurs du sport français (Etat, collectivités territoriales, fédérations, ligues et clubs professionnels, entreprises…). La révolution numérique touche en effet l’ensemble des activités économiques et son impact est massif. Les entreprises ou secteurs qui l’ignorent se retrouvent relégués loin derrière leurs concurrents ou, tout simplement, disparaissent.
Les acteurs sportifs se sentent cependant mal préparés pour affronter ce défi et tirer parti des évolutions futures. Ils manquent de repères pour bien identifier et comprendre les changements en cours et à venir, et prendre les bonnes décisions.
Partageant ce constat, les commanditaires de l’étude ont estimé qu’un travail collectif de réflexion et de propositions était indispensable pour avancer sur le sujet et apporter aux acteurs sportifs une meilleure connaissance des enjeux de la connectivité, des attentes qu’ils peuvent en avoir, ainsi que des solutions et acteurs pouvant les aider à mettre en œuvre la digitalisation des enceintes dont ils sont utilisateurs, exploitants ou propriétaires.
Le sujet est d’autant plus complexe à couvrir dans une étude qu’il est extrêmement mouvant. Les technologies et les solutions numériques évoluent rapidement tout comme les comportements des usagers. Ce travail, pour conserver sa pertinence, méritera donc d’être actualisé à l’avenir.
Le champ de l’étude se concentre sur les stades et salles utilisés par les quatre sports représentés au comité de pilotage, hébergeant des clubs résidents ou pouvant accueillir leurs grandes compétitions sportives. Mais l’étude s’est aussi ouverte à d’autres sports, événements et secteurs d’activité afin qu’elle puisse être utile à l’ensemble du sport français et de ses acteurs.
Conformément au cahier des charges élaboré par les commanditaires, l’étude inclut :
- une définition de la connectivité et des enjeux de développement qui l’accompagnent pour les acteurs sportifs,
- un état des lieux de la situation des clubs professionnels,
- un programme fonctionnel et des solutions opérationnelles,
- une cartographie de l’offre existante de services et produits en lien avec la connectivité des enceintes sportives.
Un benchmark d’autres sites (enceintes en France et à l’étranger, musées, centres de congrès et d’exposition, centres commerciaux…) a également été conduit. Les visites et comparaisons issues de ce benchmark ont utilement contribué à l’étude. Il faut néanmoins souligner qu’aucune solution parfaite en matière de connectivité n’a été trouvée à l’extérieur. La plupart des lieux de spectacle ou d’accueil de publics tâtonnent encore dans leur stratégie numérique. Les visions ne sont pas toujours bien définies et les retours d’expérience restent encore trop peu nombreux. Il est donc difficile d’en tirer des conclusions définitives et encore moins de copier-coller l’exemple d’un autre secteur d’activité.
L’étude n’a pas non plus voulu établir une liste des stades et des salles à l’étranger les plus coûteux et les plus spectaculaires. Leur modèle de fonctionnement est rarement reproductible en tant que tel dans le cadre du sport français et apparaît trop souvent éloigné de la réalité quotidienne de l’immense majorité des acteurs sportifs français.
Les clubs professionnels et les entreprises ont été associés à l’élaboration de l’étude. Un questionnaire a été diffusé auprès des clubs des quatre ligues représentées dans le comité de pilotage et des clubs de la Ligue nationale de volleyball. De même, une demande de contribution a été transmise aux entreprises recensées dans le cadre de l’étude.
Leurs réponses ont largement nourri la réflexion et ont permis d’apporter des regards complémentaires et concrets sur les différents enjeux de l’étude. Elles sont mentionnées, strictement à titre d’exemples, dans les trois documents composant l’étude.
Dans une même logique de démarche participative et de capitalisation des connaissances existantes, un séminaire de travail réunissant une soixantaine d’acteurs de la connectivité a été organisé le 26 avril 2018 afin d’engager une réflexion transversale et de partager leurs expériences de l’enceinte connectée.
3. Champ de l’étude
Les enceintes accueillant des spectacles sportifs et les matchs de clubs professionnels ne constituent pas un ensemble homogène. Au contraire, leur grande diversité est un des paramètres les plus importants de l’étude.
Le sport professionnel ne se résume pas, loin de là, aux enceintes les plus grandes et modernes ou aux clubs les plus riches. La majorité des enceintes concernées par l’étude a ainsi moins de 10 000 places, a été construite il y a plus de 20 ans et leur club résident a un budget annuel inférieur à 10 M€.
- Les stades et les salles constituent d’abord deux catégories bien distinctes du fait de leur taille et leur configuration (enceinte ouverte ou couverte). On notera cependant qu’il existe des stades couverts (Paris La Défense Arena) ou pouvant l’être (stade Pierre-Mauroy de Lille). Certains stades ont par ailleurs des jauges plus réduites que des salles : plusieurs stades de rugby en Pro D2 (Massy, Angoulême, Aix, Nevers) sont ainsi plus petits que le Palais des sports de l’Elan béarnais en basket (7 700 places) ou que la Sud de France Arena du Montpellier Handball (8 750 places).
Des différences importantes peuvent par ailleurs exister dans un même sport comme le montrent les données collectées pour les principaux championnats professionnels français durant la saison 2017-2018 :
Selon le questionnaire transmis aux clubs professionnels dans le cadre de l’étude, seulement 11% des clubs répondants déclarent jouer dans une enceinte de plus de 20 000 places, 24% dans une enceinte entre 10 000 et 20 000 places, 16% entre 5 000 et 10 000 places, et 49% dans une enceinte de moins de 5 000 places – des réponses qui montrent bien la place importante de petites et moyennes salles dans le sport professionnel français.
Le questionnaire montre par ailleurs que la vétusté varie beaucoup d’une enceinte à l’autre. 61% des clubs répondants déclarent jouer dans une enceinte construite il y a plus de 20 ans (plus de 50 ans pour 17%), 19% dans une enceinte construite entre 10 et 20 ans et 20% il y a moins de 10 ans. Des rénovations ont pu être effectuées mais cette différence d’âge suggère néanmoins de fortes disparités dans la qualité des équipements.
Les clubs professionnels affichent enfin d’importantes différences concernant leurs ressources financières. Plus des trois quarts des clubs ayant répondu au questionnaire de l’étude déclarent avoir un budget annuel inférieur à 10 M€ et 43% un budget inférieur à 5 M€. Ces réponses recoupent nettement les données transmises par les différentes ligues professionnelles au début de la saison 2017-2018.
Ces différences de budget entre clubs se retrouvent dans leur structuration interne. Peu de clubs de basket, handball ou volley dépassent par exemple les 10 salariés administratifs (hors champ sportif : joueurs et staff). Beaucoup en Pro B ou en Proligue ont moins de 5 salariés, certains clubs en ont un ou deux, voire aucun. Les fonctions de développement (marketing, commercial, communication) y sont réduites au minimum.
Le diagnostic et les préconisations de l’étude ont constamment tenu compte de cette grande diversité et des besoins des enceintes et clubs professionnels de toute taille.
Définition de la connectivité
1. Le terme
Le Larousse donne en toute simplicité les deux sens qui seront importants dans la définition de la connectivité des enceintes sportives : 1) un aspect technique évident, nécessaire pour optimiser et pour permettre un fonctionnement efficace de l’enceinte, 2) et la notion de création de liens entre différentes parties prenantes, ici les spectateurs, les joueurs, mais aussi le club au sens plus large, l’exploitant, et même la ville dans son ensemble.
Cette définition peut être enrichie par les regards croisés des clubs professionnels et des entreprises qui ont accepté de contribuer à l’étude et de formuler leur vision de l’enceinte sportive connectée et de ses enjeux dans les dix prochaines années.
2. La connectivité « technique »
D’un point de vue technique, les enjeux sont nombreux et divers. Et ils sont déterminants. Pour plusieurs clubs, la connectivité d’une enceinte se définit en effet par des critères techniques et technologiques. L’enceinte connectée est celle qui « possède les infrastructures technologiques nécessaires pour procurer des avantages aux spectateurs » selon le club Saint-Raphaël Var Handball. Pour les clubs de l’Orléans Loiret Basket et de Sélestat Alsace Handball, ce sont tout simplement le Wifi haut-débit, la 3G / 4G et la fibre optique qui définissent l’enceinte connectée.
La vision proposée par l’entreprise Nokia rejoint ces préoccupations et montre la multiplicité des enjeux techniques : « plusieurs enjeux et plusieurs réseaux cohabitent à l’intérieur et à l’extérieur de l’enceinte : le réseau relatif à la sécurisation de l’enceinte ; le réseau relatif aux transmissions d’images à l’intérieur et à l’extérieur de l’enceinte ; le réseau sans fil dans l’enceinte à destination des spectateurs ; un ou plusieurs réseaux/sous-réseaux pour les objets connectés (IoT) qui permettent de mieux gérer la consommation électrique de l’enceinte, sa consommation d’eau, les files d’attente aux points de vente, aux toilettes… ».
Répondre à des besoins constitue un autre enjeu.
Ce sont en premier lieu les besoins du public comme le rappelle le club de football de l’AS Monaco pour qui l’enceinte connectée est avant tout « un lieu bénéficiant de tous les moyens de communication modernes afin de développer des usages à haute valeur ajoutée pour l’ensemble des typologies de « clients » (spectateurs, VIP, médias, staff, joueurs…) ». La connectivité va permettre ici de répondre à des enjeux d’avant match (billetterie, accès et arrivée dans l’enceinte…), pendant le match (ralentis, information, augmentation de l’expérience…) et après (achats marketing, retour sur l’expérience, départ de l’enceinte…).
Mais la technologie va permettre aussi de répondre à des enjeux pour l’organisateur, pour l’exploitation de l’enceinte et son optimisation, pour la vie de l’enceinte dans sa globalité, pour l’intégration de l’enceinte dans la ville. Schneider Electric apporte une vision intéressante pour l’ensemble de ces enjeux : « La technologie sera au service des usagers, par des connexions entre les lieux physiques et numériques, par des connexions avec les usagers et le personnel, par des connexions en interne de l’enceinte et en externe avec le territoire. Ces mutations seront accompagnées par la convergence IP et l’interopérabilité des systèmes IoT. L’enceinte sportive connectée favorisera des espaces d’accès, une organisation des flux, des transports, une cohésion spatiale dans le cœur de ville, des synergies et développements en périphérie de ville, de la mixité. »
3. Créer du lien au sein de l’enceinte
Au-delà de ce que va permettre l’ensemble de ces aspects techniques, la définition de la connectivité nécessite une prise en considération de l’aspect humain, du lien entre les parties prenantes de l’enceinte sportive. Pour le bureau d’étude Atelier Audiovisuel : « La technologie ne doit pas prendre le pas sur le partage et le premier partage doit rester entre les supporters et les acteurs sur le terrain. Le numérique doit augmenter cette expérience collective. » Et l’entreprise continue en expliquant justement que le numérique peut être à la base du partage en permettant au spectateur de mieux comprendre l’environnement dans lequel il se situe : « Le numérique permet au spectateur une connaissance approfondie des lieux, des conditions d’accueil et des possibilités offertes par l’arène sportive. Une connaissance fine de tout l’écosystème des acteurs sportifs (joueurs, règlements, stats…). »
La connectivité apporte donc des flux d’informations qui sont mis à la disposition des spectateurs. Ceux-ci les choisissent en fonction de leur intérêt à se lier davantage au spectacle. C’est bien ce que doit offrir la connectivité pour Netco Sport : « une expérience personnalisée pour chaque spectateur en fonction de son niveau de maturité digitale, de ses intérêts et de sa localisation ». L’un des éléments clés porté par de nombreuses entreprises interrogées dans le cadre de cette étude s’attarde donc bien sur l’agilité de la connectivité capable de s’adapter aux souhaits de chacun des spectateurs et donc de relier entre eux ceux qui ont des centres d’intérêts communs. « Quel sera le quotidien des spectateurs dans les enceintes connectées à 5 ans ? Au détail nul ne le sait, mais elle sera certainement digitale, personnalisée et polymorphe » considère l’entreprise Viséo.
La connectivité serait donc ici ce qui permet d’augmenter l’expérience spectateur, cette expression qui revient en boucle dès que l’on aborde le sujet des enceintes sportives connectées. Pour Footovision, « assister à l’événement en tribune ne suffit plus, le spectateur souhaite y vivre des expériences uniques ». C’est aussi la définition de la connectivité des enceintes pour le club de basket de Cholet : « Une enceinte intuitive pour le parcours client, home to home (transports, contrôle d’accès, food & beverage, merchandising…), humaine (« j’y étais », vivre en live l’émotion du moment) et connectée (immersion de l’expérience, partager le moment). »
Beaucoup de spectateurs ne viennent plus dans l’enceinte pour voir un match mais bien pour assister à un spectacle et vivre une expérience complète. C’est la vision du Stade Français : « Une enceinte connectée est une enceinte permettant aux « clients » de vivre une expérience différente et pas simplement de regarder un match. C’est une enceinte qui sait tirer profit des milliers de smartphones présents dans les poches de ses spectateurs. » Pour Atos, « avec les changements démographiques qui s’opèrent, les architectes devraient commencer à développer des expériences plutôt que simplement s’intéresser à l’emplacement de sièges dans les gradins afin de répondre à l’évolution des fans, passant de simples spectateurs à participants actifs ».
4. La connectivité au service de l’exploitant
Si la connectivité se définit par les moyens techniques dont les enceintes seront équipées d’une part, et l’expérience que les spectateurs pourront y vivre d’autre part, elle s’entend aussi forcément par l’environnement favorable qu’elle permettra de créer pour l’exploitation de l’enceinte. L’entreprise Viséo, toujours, prophétise : « quel sera le quotidien des exploitants d’enceinte dans 5 ans ? Ce sera d’assurer un niveau de service élevé, valoriser les data recueillies, imaginer et supporter des nouveaux services continuellement, et optimiser les coûts d’exploitation en automatisant les interactions. » Une vision que partage Atelier Audiovisuel : « Le numérique permettra à l’exploitant une connaissance fine des clients, de leurs préférences, de leurs habitudes, de leur provenance… ».
Atos abonde dans la même direction : « Nous croyons que la technologie est un facteur clé pour assurer le succès d’une enceinte sportive polyvalente à long terme et permettre aux événements en direct de rivaliser avec d’autres activités de loisirs en proposant de nouveaux services numériques qui augmentent l’interactivité et créent des opportunités de revenus additionnels »
La connectivité d’une enceinte est peut-être aussi ce qui permet à celle-ci d’être attractive et fréquentée tout au long de l’année. Pour le Chief Digital Officer de l’Olympique Lyonnais : « Le premier objectif est de faire d’OL City un lieu attractif toute l’année. Et sur ce plan le digital a un rôle à jouer, il doit être un aimant à trafic » (source, www.journaldunet.com).
5. L’enceinte connectée à son club
Le club connecté, pour la SIG Strasbourg, est « un club qui communique via ses réseaux auprès de ses clients, qui apporte des services via son application digitale, qui apporte aussi des expériences complémentaires pendant et hors les événements qui se déroulent dans l’enceinte ». L’enceinte connectée n’est donc qu’un des outils pour le club connecté, qui doit créer du lien avec son public « hors événement ». La connectivité de l’enceinte dépasse les limites physiques de celle-ci et joue un rôle dans un environnement élargi. Comme nous le rappelle Vente-Privée Entertainment : « Dans le cas du sport, il n’y a pas d’enceintes connectées sans un club résident connecté. C’est la stratégie du club résident qui drive la stratégie digitale de l’enceinte connectée. Pas l’inverse. »
6. L’humain au centre de l’enceinte sportive connectée
Si l’enjeu de l’enceinte connectée est bien de créer davantage de lien entre toutes les parties prenantes, une question ne manque pas de se poser. La connectivité nuit-elle à la connexion entre les parties prenantes ? Le numérique relie les gens, permet la transmission d’émotions, la multiplication des échanges. Mais le numérique isole également : des tribunes entières avec des fans les yeux rivés sur leur téléphone, qui oublieraient de chanter et de réagir au jeu, voilà un spectacle que personne ne souhaite.
Faut-il pour autant aller jusqu’à envisager la déconnexion pour maintenir un lien dans l’enceinte et s’assurer que le spectacle soit autant dans les tribunes que sur le terrain ? Des concerts interdisent dans cette logique les tablettes et smartphones pour protéger l’œuvre artistique mais aussi garantir un lien fort entre l’artiste et les spectateurs (téléphone mis sous scellé individuel à l’aide d’une pochette spécifique, bornes de déverrouillage pour se servir de son téléphone en cas d’urgence).
Un juste milieu est envisageable. L’expérience en continu que permet de créer la connectivité doit se faire en lien avec le spectacle sportif, pas en opposition. La startup BeSport commente ainsi cet enjeu central de l’enceinte connectée : « On ne sait pas encore à travers quel device les fans vivront leur match : lunettes connectées, mobile, montre… Mais l’objectif reste que les fans regardent le match et que l’expérience connectée crée une passerelle favorable et sympathique entre moments forts et moments moins forts. Les moments forts doivent être vécus avec l’émotion et la surprise, la connexion assure la continuité, a posteriori ».
La gestion des temps forts et des temps faibles est considérée comme primordiale dans de nombreux sports. C’est également l’enjeu de l’enceinte connectée : renforcer la qualité du spectacle sans pour autant lui faire perdre son essence et le dénaturer. Pour le SU Agen : « les outils digitaux doivent améliorer l’expérience stade, faciliter le parcours client, sans jamais passer devant la finalité qu’est le match / le spectacle, l’émotion qu’en retire le client individuellement ou collectivement ».
L’expérimentation des tribunes debout, au-delà des problématiques de sécurité, n’est-elle pas aussi le symbole d’une nécessaire déconnexion pour rendre l’ambiance d’un stade unique ? L’expérience connectée peut aussi s’arrêter pendant le temps de jeu et simplement accompagner les avants et les après match.
Il est en tous cas certain que la connectivité des enceintes ne se limite pas à leur digitalisation. L’un des enjeux est de favoriser le développement des relations humaines et interpersonnelles entre les spectateurs, par la qualité de l’accueil et la conception des espaces favorisant les rassemblements et les échanges. L’ambiance et les émotions peuvent également être accentuées par la qualité acoustique et la visibilité de l’enceinte.
Événements possibles dans un stade ou une salle
L’objectif majeur pour un club est d’assurer son développement économique, en créant un modèle pérenne et en améliorant notamment l’attractivité et la qualité d’accueil de ses infrastructures pour augmenter ses recettes.
Les stades et salles ont vocation à être l’enceinte sportive de leur club résident et des grands événements sportifs de leur territoire. Ils peuvent aussi être capables d’accueillir une large gamme d’événements extra-sportifs en fonction de leur configuration (surface de l’aire de jeu), de leur modularité, de leurs espaces annexes et d’aménagements préalables (installation d’une patinoire ou d’un bassin nautique temporaire par exemple).
Ils sont par ailleurs au service de la notoriété, de l’attractivité et du développement économique du territoire, un lieu de rencontre économique des partenaires de club, de promotion et de mise en relation, un équipement en complémentarité et synergie avec d’autres équipements comme les parcs des expositions, Zénith ou centres des congrès.
1. Événements sportifs
- Matchs du club résident,
- Matchs d’autres clubs locaux souhaitant profiter d’une enceinte plus grande et/ou plus moderne pour une occasion exceptionnelle,
- Matchs délocalisés de clubs français ou étrangers hors territoire souhaitant profiter d’une enceinte plus grande et/ou plus moderne pour une occasion exceptionnelle,
- Evénements organisés par une ligue professionnelle (finale de coupe de la ligue, demi-finales et finale de play-offs, match des champions en début de saison…) ou une fédération (finale de la coupe de France, match des équipes de France, tournois internationaux de jeunes),
- Grands événements internationaux exceptionnels, notamment de sports olympiques (championnats d’Europe, championnats du monde, Fed Cup…),
- Centre d’entrainement pour les JOP 2024,
- Evénements assimilés au sport : tournois nationaux ou internationaux d’esport, catch américain…,
- Autres épreuves sportives (sports motorisés indoor, compétitions d’équitation, tournois de boxe ou de tennis, galas de patinage artistique, futsal…).
2. Spectacles
Pendant et à l’issue de la saison sportive, les enceintes sportives peuvent accueillir des spectacles, sans ou avec peu d’impact avec le bon déroulement de la saison sportive :
- Concerts,
- Opéras, ballets ou spectacles de danse,
- Cirques,
- One-man show humoristiques,
- Ciné concerts,
- Spectacles pour enfants,
- Spectacles sur glace…
3. Événements d’entreprises ou d’autres structures
- Congrès ou assemblée générale,
- Salons, foires ou expositions,
- Evénements de promotion et de lancement de produits,
- Séminaires, conventions, réunions, séances de team-building, dîners thématiques, et soirées d’entreprise,
- Activités de formation, de recrutement et d’enseignement, job dating, organisation d’épreuves du bac ou autres diplômes.
4. Visites de l’enceinte
Des visites peuvent être proposées. Elles s’adressent au grand public et aux entreprises dans le cadre d’un package séminaire/convention.
A défaut de musée, la visite de l’enceinte sportive peut constituer le musée du club, avec un parcours scénarisé, une « Fan Expérience » : points de vue, vitrines, jeux, hologrammes, projections vidéo, immersion et le cas échéant interaction, fin de visite dans la salle des trophées et la boutique du club.
Enjeux de la digitalisation
1. Développement du sport professionnel français
Le sujet de la connectivité doit être traité et pensé en cohérence avec l’ensemble des enjeux concernant le développement du sport français, la modernisation de ses grandes enceintes et la structuration des clubs professionnels. A ce titre, sept constats méritent d’être formulés pour poser le cadre de l’étude.
(1) Les grandes enceintes constituent depuis plus de 10 ans un enjeu prioritaire pour le sport français.
Ce diagnostic a été étayé par une multitude de rapports dont les plus marquants ont été ceux de la commission Séguin sur les Grands Stades Euro 2016 (2008) de la commission Costantini sur les Arenas 2015 (2010). Tous ont souligné :
- Le retard pris par rapport à nos principaux voisins en matière de grandes enceintes sportives : « la France s’est endormie » soulignait en 2010 le rapport Arenas 2015.
- La capacité moyenne réduite de nos enceintes par rapport à ces mêmes voisins.
- La vétusté de nos stades et salles, qui ne répondent plus au cahier des charges des fédérations internationales et aux standards de qualité des spectateurs, partenaires et médias (confort, restauration, toilettes, animations, hospitalités, diffusion TV…).
- Le faible nombre d’enceintes multifonctionnelles, conséquence d’une séparation historique entre équipements sportifs et culturels (Zéniths notamment).
(2) Le manque d’enceintes modernes n’a pas permis aux clubs résidents de suffisamment accroître leurs revenus.
Sur ce point, le rapport Arenas 2015 avait déjà parfaitement formulé l’enjeu de développement pour les clubs : « La maîtrise d’une enceinte de capacité adaptée, moderne, conforme aux attentes du sport spectacle, permet à un club de développer des recettes propres en augmentant la billetterie, les prestations VIP, les services aux spectateurs, le merchandising, les partenariats… »
La Grande conférence du sport professionnel (2016) a montré que les recettes de billetterie ne dépassaient pas la barre des 20% dans le chiffre d’affaires moyen des clubs professionnels, empêchant une diversification de leurs revenus et la réduction de leur dépendance à l’égard des droits TV (football) ou des subventions publiques (basket, handball et volleyball).
(3) Le sport français s’est progressivement réveillé depuis dix ans avec de nombreuses constructions et rénovations de grandes enceintes.
La dynamique de l’Euro 2016 a permis la construction de quatre stades de football (Bordeaux, Lille, Lyon et Nice) et plusieurs rénovations (Lens, Marseille, Paris, Saint-Etienne et Toulouse). D’autres projets ont abouti dans le football (Le Havre, Reims, Valenciennes) ou sont en cours (Brest, Montpellier, Nantes, Niort…). De nouvelles enceintes de rugby ont émergé à Paris et à La Défense, La Rochelle a entrepris d’importants travaux d’extension et le LOU Rugby a modernisé l’ancien stade Gerland. Des projets sont engagés à Montpellier, Nantes, Perpignan et Strasbourg.
Une quinzaine de villes ont construit ou rénové des grandes salles (Aix-en-Provence, Antibes, Blois, Bourg-en-Bresse, Brest, Chambéry, Charleville-Mézières, Le Portel, Montpellier, Nantes, Roanne, Rouen, Trélazé, Vendéspace…) tandis que l’AccorHotels Arena s’agrandissait et engageait une modernisation de premier plan. Des projets existent par ailleurs à Strasbourg, Orléans, Villeurbanne, Poitiers, Narbonne, Chaumont…
Quantitativement, la situation est donc en nette amélioration même si la qualité des nouvelles enceintes est souvent inégale (jauges parfois trop grandes, manque d’espaces communs (animations, restaurations), espaces d’hospitalités insuffisants ou mal configurés, modularité des espaces insuffisants, etc.).
(4) Le financement des grandes enceintes sportives voit également apparaître de nouveaux modèles.
Une très large majorité reste financée par les pouvoirs publics (les collectivités territoriales essentiellement, l’Etat de manière plus subsidiaire). Plusieurs projets font néanmoins apparaître de nouveaux modèles d’investissement. Les clubs de l’Olympique lyonnais et du Racing 92 ont ainsi été à l’origine du financement de leur nouvelle enceinte – directement ou par le biais de leur propriétaire. Le PSG a assumé le coût des travaux de modernisation du Parc des Princes. En basket, le projet d’agrandissement et de modernisation de la salle de la SIG Strasbourg est aussi porté par le club. A Nantes (projet Yellopark) et à Villeurbanne (Arena de l’ASVEL et affiches du Lyon Hockey Club), les projets associent clubs résidents et investisseurs extérieurs. En rugby, le projet de modernisation du stade Aimé Giral est porté par l’USAP.
(5) De la même manière, les modes d’exploitation commencent à évoluer.
La propriété ou l’exploitation d’une enceinte par un club résident a longtemps été une exception en France (Toulouse et Clermont-Ferrand en rugby, Auxerre et Ajaccio en football…). Un nombre croissant de clubs professionnels prennent désormais la responsabilité de gérer eux-mêmes tout ou partie de leur enceinte :
- Les constructions d’enceintes portées par les clubs eux-mêmes conduisent nécessairement ces derniers à en devenir propriétaire et exploitant.
- D’autres clubs trouvent un accord avec la collectivité propriétaire pour devenir l’exploitant unique de leur enceinte. En football, les clubs du PSG, de Caen, Angers, Saint-Etienne, Metz ou Marseille ont ainsi récupéré ou sont en voie de récupérer la gestion pleine de leur stade (et parfois d’espaces à proximité) assumant en contrepartie les charges d’exploitation et de futurs investissements de modernisation. La SIG Strasbourg exploitera également son enceinte modernisée et des espaces environnants dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif. En rugby, le Stade Français répond à une consultation de la Ville de Paris pour être attributaire d’une convention d’occupation du domaine public lui confiant la gestion du stade Jean Bouin.
(6) Les clubs sont cependant encore souvent insuffisamment structurés en interne pour développer de nouvelles activités (marketing, billetterie, merchandising…).
Sans cette structuration, enceinte connectée ou pas, il sera pourtant impossible de relever les défis qui les attendent en matière de développement : améliorer l’expérience spectateur, mieux remplir leur enceinte, augmenter le panier moyen de dépenses des spectateurs, élaborer des contenus et services sur-mesure avant, pendant et après les matchs pour attirer de nouveaux publics et partenaires…
Les postes de Stadium manager restent notamment une rareté dans les clubs français hormis en Ligue 1 de football ou dans le Top 14 de rugby. C’est encore plus vrai pour les Directeurs des systèmes d’information. Il n’existe pas toujours non plus de salarié spécifiquement en charge des réseaux sociaux et de la communication numérique.
Cette faiblesse de la structuration des clubs posera des problèmes croissants au fur et à mesure de la modernisation des enceintes. De plus en plus de données seront par exemple collectées et les clubs devront se donner les moyens de maîtriser cette collecte (pour ne pas la laisser à un autre acteur) et de pouvoir analyser les données en question pour mieux comprendre leurs clients et créer de nouveaux services en conséquence.
(7) Les ligues professionnelles et les fédérations sportives ont un rôle important à jouer dans l’émergence des enceintes connectées en France.
Le sujet de la connectivité est récent, technique et complexe. Peu de clubs ont les ressources nécessaires pour aborder seuls cet enjeu. Il y a donc un vrai besoin de partage des connaissances et de coopération pour que tous les clubs, grands ou petits, puissent conduire un projet de digitalisation de leur enceinte.
Le financement de la modernisation des enceintes et le dialogue avec les financeurs nécessiteront par ailleurs un soutien de la part des ligues et des fédérations, soit pour solliciter des financements au niveau national, soit pour appuyer les demandes de financement au niveau local. D’autant que la connectivité des enceintes n’exigera pas une seule phase d’investissement. Elle prendra la forme d’un effort qui s’inscrit dans la durée : le processus devra constamment être mis à jour et actualisé au fur et à mesure de l’évolution des technologies et des attentes des publics.
Enfin, l’action des ligues est essentielle pour inciter chaque club à davantage se structurer en interne et à recruter de nouvelles compétences. La création par les ligues de « Licence » ou de « Label » a permis des progrès indiscutables dans ce domaine ces dernières années. Ces dispositifs devraient gagner encore en importance pour anticiper les effets de la transformation numérique.
L’enjeu de la connectivité s’inscrit donc dans un effort de modernisation en cours de nos grandes enceintes sportives et de leur fonctionnement. Sa mise en place doit prendre en compte la mue lente mais bien réelle des modes de financement et d’exploitation avec une participation croissante des clubs résidents et d’investisseurs privés. Les acteurs du sport professionnel, les clubs comme les ligues, doivent aussi se préparer et mieux se structurer pour disposer des ressources et expertises nécessaires.
2. Quelles attentes à l’égard des enceintes connectées
Mieux connecter les enceintes sportives exige au préalable de se poser la question des attentes des publics. Globalement les attentes du grand public restent cependant encore assez mal identifiées : qui voudra se connecter ? Pour quelles utilisations ? Dans quelles conditions ?
(1) Fidéliser et attirer de nouveaux publics
L’enceinte connectée répond d’abord à un objectif majeur : augmenter le taux de remplissage des stades et salles grâce à une plus grande satisfaction des spectateurs et une capacité à attirer de nouveaux publics. La satisfaction du spectateur c’est ainsi bien l’enjeu numéro un pour le directeur de l’Allianz Riviera : « Nous avons beaucoup travaillé sur les technologies et les infrastructures, en plaçant le spectateur au centre des réflexions, pour faire de l’Allianz Riviera l’un des stades les plus modernes et innovants de France ».
Pour mieux satisfaire ses publics, il apparaît aussi essentiel de mieux les connaître, et donc de considérer le spectateur comme un client et de le traiter comme tel. Connaître son public, c’est pouvoir lui offrir des services adaptés et par la suite le « monétiser ». Le sport professionnel souffre de ce manque et l’investissement dans certains outils (CRM par exemple) quand il existe, se fait parfois sans mettre les ressources humaines en face. Un outil ne peut pourtant servir qu’à hauteur des usages que l’on en fait.
La startup Leto, qui s’intéresse au sujet de la billetterie sportive, considère par exemple que « 2018 marque le début d’un nouveau bouleversement du secteur de la billetterie. Avec l’avènement de la technologie blockchain, le format du billet va encore changer. Il va devenir réellement digital et enfin intelligent. Il sera infalsifiable, traçable et permettra de prolonger la relation entre les organisateurs et leur public. Ils récolteront enfin 100% des données sur leur public. Ils pourront ensuite les analyser pour mettre en place les actions les plus efficaces comme le re-targeting, le merchandising ciblé, le pricing dynamique, etc. ».
Il est aussi instructif de s’intéresser aux personnes qui se rendent de temps en temps dans l’enceinte mais qui pourraient venir plus souvent. Le gain de temps est à cet égard un point central. Il est au cœur du parcours client et de son optimisation : transport, entrée dans l’enceinte, commande de boissons et nourriture, cashless, vestiaires, consignes. Tout ce qui permet de faire gagner du temps est essentiel pour convaincre ce public. Cela est d’autant plus difficile que les questions de sécurité qui sont une préoccupation majeure des organisateurs d’événements, peuvent rigidifier les parcours clients. Il s’agit donc d’un sujet clé pour l’enceinte sportive connectée. Vente-Privée Entertainment considère à cet égard que les impacts majeurs de l’enceinte connectée sont attendus sur :
- – le contrôle d’accès : accéléré, dématérialisé, sécurisé,
- – les prestations hors match : cashless, pre-ordering, livraison à la place,
- – l’interaction entre les spectateurs, les sponsors et potentiellement le jeu.
Mieux connaître ses publics, favoriser la venue des amateurs, mais aussi convaincre de nouveaux publics. Pour la startup Digifood, « la volonté des stades est claire : offrir un bouquet de services élargi pour augmenter les revenus jour de match, fidéliser leurs spectateurs et surtout toucher de nouvelles cibles ». La startup World Gaming Federation, spécialiste de l’esport, abonde en ce sens : « Les enceintes connectées doivent permettre à de nouveaux publics de se construire des expériences au-delà du match, avec plus de 2,5 écrans en moyenne pour les Millennials, l’enjeu n’est plus d’intéresser mais de demeurer attractif dans le temps. Ce qu’on appelle l’insta culture est cette capacité des jeunes générations à se mettre en scène et pour cela il faut les nourrir avant, pendant et après le match ».
Pour les stades et les salles de demain, c’est le sujet de la rentabilité qui se joue ici, dans cette capacité à faire venir et à fidéliser les spectateurs. L’entreprise Charvet Digital Média en est convaincue : « Plus le spectacle sera d’ampleur, plus les visiteurs souhaiteront réitérer l’expérience et ce, parfois quels que soient les résultats sportifs de l’équipe résidente, toutes disciplines confondues ; l’objectif est de devenir un véritable lieu de vie même hors match. Ce qui facilitera les projections de fréquentation donc de chiffre d’affaires, sachant que, plus l’enceinte accueillera de public et fera parler d’elle, plus les annonceurs et sponsors seront candidats à l’achat d’espaces publicitaires et aux retransmissions TV ; deuxième source de revenu conséquente ». C’est aussi ce qui motive les décisions du Président du Stade de Reims en football : « Au-delà de l’internalisation de la restauration grand public, nous avons également décidé d’équiper notre enceinte d’un système de paiement cashless. Un équipement qui fluidifiera les transactions au stade tout en nous permettant de mieux connaître nos supporters. Le but de ces différents investissements est de réaménager au mieux les coursives du stade Auguste-Delaune afin que notre public s’y sente bien et consomme sur place. » (source, www.ecofoot.fr )
Pour faire venir des spectateurs nouveaux, il paraît indispensable de diversifier les gammes, de créer de nouvelles offres adaptées aux différents publics. Sur la segmentation et la personnalisation des offres, le digital doit être une opportunité de créer des services différents et surtout pas d’homogénéiser davantage l’offre des clubs. La définition de la connectivité d’une enceinte pour le Montpellier Hérault Rugby s’inscrit dans cette logique puisqu’il s’agit d’une enceinte qui permet « un accès simultané et interactif aux informations et services proposés aux différentes typologies de population ».
Autre point de réflexion, la capacité de coupler le spectacle sportif avec d’autres spectacles et d’autres thématiques motrices pour faire se déplacer des publics : la restauration, la culture, la musique par exemple. Le sport professionnel doit se décloisonner pour attirer un public plus nombreux. Une vision partagée par l’Atelier Audiovisuel pour qui « l’expérience digitale doit agir sur deux vecteurs : le marketing client et l’exploitation de l’arène. Le stade, l’Arena, est avant tout un lieu sportif, mais aussi un lieu de multi-événements quotidiens et un lieu de spectacle. Le digital doit être au service de tous les usages et de tous les publics. »
La startup Vogo résume bien la nécessité de produire, grâce au digital, un spectacle plus attractif pour fidéliser et attirer de nouveaux publics : « pour attirer le public de demain, les Millennials mais pas seulement, les enceintes sportives doivent ré-enchanter l’expérience « Stadium » et offrir des services à valeur ajoutée à leurs publics : en faciliter l’accès, proposer des services avant-match, offrir des expériences et contenus exclusifs pendant le match, qui justifient la valeur de se déplacer dans l’enceinte, et des services après-match, pour concrétiser au plus vite l’envie d’y revenir… ».
Ces enjeux ne sont pas spécifiques au sport. Ils se retrouvent dans beaucoup des enceintes accueillant du public : centres des congrès, parc des expositions, musées, centres commerciaux… Tous font face à une versatilité plus grande de leurs publics et donc au besoin de renforcer leur capacité à fidéliser des visiteurs et des organisateurs d’événements. Pour des gestionnaires comme Unibail-Rodamco (centres commerciaux), Viparis (sites de congrès et d’exposition) ou GL Events (Eurexpo, Centre des Congrès,…), la connectivité de leurs sites est à ce titre un atout indispensable : mise en place dans l’ensemble de l’enceinte d’une connexion Wifi et/ou 4G avec un débit adapté aux besoins constatés, création d’un parcours numérique et de services, interactivité avec les visiteurs et renforcement du sentiment d’appartenance à une communauté, mise en place d’animations immersives, etc.
(2) Les Français et les nouvelles technologies numériques
Les technologies numériques constituent un outil de choix pour conquérir ces nouveaux publics. Aujourd’hui, les Français sont massivement connectés dans leur vie quotidienne et notamment par le biais de leur téléphone. La tendance est encore plus marquée dans les jeunes générations. Pour une enceinte sportive, la connectivité n’est donc pas une option.
- Selon le baromètre numérique 2017 de l’ARCEP, le taux d’équipement en smartphone des Français de 12 ans et plus est passé de 17% en 2011 à 73% en 2017. Le taux d’équipement des 12-17 ans est désormais de 86%, celui des 18-24 ans de 99%.
- 48% des internautes préfèrent utiliser leur smartphone pour se connecter. Cette proportion s’élève à 76% pour les 12-17 ans et 81% pour les 18-24 ans, confirmant la montée en puissance d’une génération « mobile first ».
- Le baromètre 2017 « Digital » de BNP Paribas montre que les Français passent 7,7 heures par jour sur Internet, dont 2,8 heures sur smartphone. Les utilisations sur ce terminal sont diverses : 62% se géolocalisent pour leur transport, 62% vont sur les réseaux sociaux, 55% consultent des messageries instantanées et 44% des contenus multimédias, 40% ont une application bancaire, 39% y lisent de l’information…
- Selon un sondage BVA pour la presse régionale (2018), une majorité des Français se montre néanmoins inquiète quant à la protection de leur vie privée sur Internet. 30% considèrent notamment que la confidentialité de leurs données personnelles sur Internet est correctement assurée.
- On notera aussi que la thématique de la « déconnexion » prend de l’ampleur. L’hyperconnexion (pendant les temps de loisirs ou les congés) peut être vécue comme un facteur d’anxiété ou une addiction. Depuis le 1er janvier 2017, un « droit à la déconnexion » existe ainsi pour les salariés afin de mieux respecter leur vie privée. Les constructeurs de smartphones aussi prennent en compte ce besoin avec la mise en place de fonctions « bien-être numérique » permettant de limiter le temps passé chaque jour sur une application.
(3) L’entrée du numérique dans les enceintes sportives
Cette appétence des Français pour une connexion au quotidien se retrouve dans leur rapport à l’enceinte sportive mais avec des nuances importantes
- Pour le public français, le spectacle sportif prime avant tout, l’expérience purement numérique est secondaire. Les enquêtes conduites par Repucom / Nielsen Sport pour le compte de la Ligue de football professionnel (en 2014 et 2016) montrent que les spectateurs de football viennent d’abord au stade pour soutenir une équipe, vivre l’événement sur place et profiter de l’ambiance.
- L’accès à Internet gagne en importance entre 2014 et 2017 mais il est aussi identifié comme moins important que d’autres services (accessibilité, accueil, sécurité, restauration, etc.). La diffusion de vidéos ou de statistiques sur des écrans est une attente secondaire tout comme certaines innovations (commande à la place par exemple). Un sondage de la Ligue nationale de basket en 2018 a recueilli des résultats similaires avec une demande encore relativement faible pour l’expérience digitale.
- Les spectateurs ont cependant des attentes plus affirmées concernant la capacité du numérique à améliorer les services existants et le spectacle physique. Une enquête Kantar / Sofres pour VINCI Concessions montrait déjà en 2014 que 69% des Français équipés de smartphones étaient prêts à utiliser une application gratuite si elle leur apportait des services concrets (réservation de place de parking, accès prioritaire au stade et aux buvettes, réduction de prix, retrouver ses amis dans le stade, etc.).
- Plus récemment un sondage réalisé en 2018 par l’entreprise Future Thinking auprès d’un échantillon représentatif de Français a mis en évidence que 13% d’entre eux iraient plus souvent dans un stade si celui-ci était connecté. Ils seraient notamment intéressés par les services suivants : faciliter les déplacements et la circulation dans l’enceinte (60%), avoir accès à du Wifi gratuit (57%), simplifier l’achat de la nourriture, des boissons et de produits dérivés (40%), avoir une application fournissant des statistiques en live et des replays (39%), partager des émotions sur les réseaux sociaux (30%).
Ces données montrent des attentes croissantes mais qui restent diverses. Les services numériques ne sont pas tous plébiscités. Les spectateurs d’une enceinte sportive affichent des profils générationnels et sociologiques variés et il n’est pas surprenant que ces différences impactent aussi leur demande de connectivité. De même, la demande éventuelle de « déconnexion » ne doit pas être négligée par les clubs et les exploitants d’enceintes. Ils doivent proposer une expérience connectée à leur public mais pas l’imposer car une partie des spectateurs pourrait finir par la rejeter. Il doit toujours exister la possibilité de pouvoir pleinement vivre un événement sportif sans se connecter.
Enfin, la demande des publics ne devrait pas être le seul élément définissant la connectivité et les services proposés dans l’enceinte. Il est aussi de la responsabilité de l’exploitant ou du club résident d’élaborer une offre qui reflète sa propre vision du spectacle proposé : quels spectateurs cible-t-il en priorité ? Cherche-t-il à renouveler et rajeunir son audience ? Quels éléments de son spectacle veut-il mettre en avant pour attirer un nouveau public et, plus globalement, élargir sa communauté de fans ? Quelle identité et vision à long terme porte-t-il et quels aspects d’une enceinte connectée peuvent aider à les mettre en valeur ? Comment veut-il se distinguer d’autres spectacles ou lieux de loisirs ?
(4) Au stade comme devant sa télé, devant sa télé comme au stade ?
Le concepteur du Nid d’Oiseau à Pékin et de nombreux autres stades, Jacques Herzog, a évoqué la relation complexe entre télévision et enceinte sportive dans L’Equipe Magazine du 4 août 2018 : « Le stade est en concurrence avec la télévision ou les médias électroniques, et ce sera de pire en pire avec le développement du virtuel. Comme il ne peut pas rivaliser avec cette évolution technologique, il doit offrir autre chose. Il doit insister sur les aspects les plus typiques du physique : il faut qu’on sente l’herbe, qu’on entende les bruits. Nous restons des êtres physiques et sensoriels. Nous possédons l’odorat, le toucher, l’ouïe, tandis que la virtualité et les médias offrent ou vont offrir des sensations incroyables mais différentes. »
Si une complémentarité existe entre le stade et le hors-stade, elle peut parfois se transformer en opposition pour offrir la meilleure expérience. La connectivité a un impact dans les deux cas : elle permet à la fois d’améliorer le spectacle devant sa télévision et de recréer en partie les conditions de confort de son salon dans une enceinte.
Les conditions améliorées dans un stade recouvrent plusieurs aspects. De l’accès au stade – le Stadium Manager du SCO d’Angers explique « miser avant tout sur une amélioration de l’expérience spectateur en imaginant un parcours client depuis l’entrée du stade jusqu’au siège pour regarder le match » (source, www.ecofoot.fr ) – à la consommation sur place et au retour chez soi. La « gamification » est aussi essentielle comme l’explique la startup bFAN : « Les enceintes connectées devront demain permettre, par leur niveau de connectivité et les services digitaux, d’apporter un service, a minima, de même niveau que ceux hors stade (accès aux ralentis, aux statistiques, aux commentaires) mais aussi permettre une différenciation par une expérience unique (cadeaux, loteries, participation, immersion plus forte dans le jeu…). Les spectateurs deviennent également acteurs du show. »
Dans la même logique, le groupe La Poste s’implique dans l’expérience spectateur pour permettre aux clubs d’augmenter leur taux de remplissage. Son projet, intitulé « Ma fan expérience », a notamment été expérimenté avec le Stade toulousain en 2018. Il s’agit d’une plateforme digitale pour accompagner les fans lors de plusieurs matchs :
- En permettant de précommander, dans un panier unique, les billets, les produits dérivés, le transport vers le stade et la restauration via une livraison à la place,
- En offrant un système de gamification : les spectateurs peuvent y remporter des maillots, des ballons dédicacés, des places VIP ainsi que des expériences « money can’t buy » (assister au plus près à l’échauffement des joueurs ou prendre une photo en bord du terrain).
Au-delà de cette expérimentation, La Poste travaille avec plusieurs startups et entreprises sur cette expérience globale : Apollo, Commoncents, Digifood, Vogo, Seaters, Wefan…
L’accès des spectateurs aux informations en temps réel sera aussi probablement possible grâce à la réalité augmentée. C’est la conviction de la startup Immersiv : « en utilisant la réalité augmentée, le spectateur aura accès non seulement aux informations sur les joueurs mais aussi aux ralentis des dernières actions, aux analyses tactiques, ou encore aux classements en temps réel ».
Mais les services se multiplient aussi pour améliorer l’expérience du spectateur hors du stade, ce qui permet de réunir un nombre beaucoup plus grand de fans et d’aller au-delà de son bassin d’audience naturel. A l’image de tous les progrès réalisés par la télévision depuis des dizaines d’années. Ces nouveaux services, ce sont aussi les messageries instantanées qui permettent d’échanger et donc de vivre le match plus intensément, les caméras placées dans les vestiaires ou dans des endroits habituellement inaccessibles, la qualité des commentaires et les interviews. Rien d’extrêmement novateur mais le numérique permet sur tous ces aspects d’aller plus loin et de personnaliser l’expérience du téléspectateur.
Pour la startup bFAN, l’enceinte connectée est aussi : « une enceinte virtuelle recréée par la fédération de fans devant leurs téléviseurs / ordinateurs chez eux ou ailleurs via un ou plusieurs services digitaux pour les engager. L’amélioration des services, de l’image, le rapprochement des fans via les services digitaux rend l’expérience hors stade souvent plus attractive que l’expérience in-stadium ».
L’enjeu est de réunir dans un même espace physique des personnes présentes et celles connectées par le digital. C’est aussi le parti pris de la société Signify, spécialisée dans l’éclairage, qui souhaite « au travers de la digitalisation, offrir au spectateur comme au téléspectateur la meilleure expérience, que ce soit dans l’enceinte connectée ou à la maison (Super-Slow Motion et Ultra Slow Motion) ».
3. Optimiser l’exploitation de l’enceinte
Si l’enceinte connectée favorise le lien avec les publics et les « monétise » davantage, il ne faut pas perdre de vue que la connectivité doit aussi permettre de favoriser une meilleure exploitation de l’enceinte, réduire les coûts et faciliter le travail de l’exploitant.
Pour Atos, « l’enceinte du future nécessite une architecture informatique à l’épreuve du temps qui comprend des réseaux câblés et sans fil ayant une capacité suffisante pour fournir des données en temps réel, agrégées aux gestionnaires et aux opérateurs des installations. En regroupant et en partageant toutes les données à travers les systèmes, l’ensemble du fonctionnement de l’enceinte sera efficace, flexible et sécurisé, capable d’évoluer au fur et à mesure des améliorations technologiques ». Il s’agit bien de pouvoir à terme réduire les coûts d’exploitation : « en s’appuyant sur une architecture informatique intégrée, tirant parti des possibilités du Cloud, des solutions IoT et de l’analyse de données, le propriétaire / l’exploitant de l’enceinte peut effectuer via un système de Gestion Technique Centralisé un véritable suivi des opérations en temps réel, télépiloter les services pour les adapter à la nature dynamique du type d’événement hébergé et ainsi réduire ses coûts. »
Pour Schneider Electric, l’environnement connecté d’une enceinte a évidemment des conséquences logistiques et pratiques pour l’exploitant : « sur le plan logistique, les technologies devront permettre une automatisation des processus logistiques, de manière à limiter la manutention et limiter les interfaces, au niveau de chaque secteur d’activité, dans les opérations de livraison et d’évacuation de tous les flux, et de garantir la sécurité des biens et des personnes ». Différents outils peuvent s’inscrire dans cette logique :
- Des services énergétiques : suivi en temps réel, archivage et historisation des tendances de consommation du bâtiment, mise à disposition de tableaux de bord et de factures, analyse du profil énergétique, prédiction et aide à la décision, ouverture de l’enceinte vers le Smart Grid…
- Des services au bâtiment : services de communication des espaces communs du bâtiment, gestion multi technique exploitation-maintenance, alertes de sécurité et de sûreté du bâtiment, pilotage des paramètres de confort, bien-être et de santé (température, humidité, qualité de l’air, niveaux sonores…),
- Des services aux usagers : services de communication des espaces privatifs, services de géolocalisation, signalisation et de guidage, affichage dynamique d’informations, gestion en temps réel des ressources partagées – places de parking, espaces détentes, loges…
L’enceinte connectée s’adresse donc aussi à l’exploitant qui va pouvoir exploiter plus efficacement son enceinte au quotidien avec une optimisation des coûts, des ressources et de la sécurité. La connectivité permet autant de générer de nouveaux revenus que de diminuer des dépenses.
4. Les besoins des acteurs sportifs
Les projets d’enceintes sont évoqués souvent au travers de l’architecture, de la jauge d’affluence, du modèle économique, des services qui y sont apportés. Mais le terrain est souvent oublié comme l’aspect sportif en général. La technologie a pourtant fait entrer la performance sportive dans une nouvelle ère depuis quelques années.
Popularisée par le film « Le Stratège », l’expérience réussie de l’équipe d’Allemagne avec SAP en 2014, ou encore le titre surprise de Leicester en Premier League, l’analyse des données est aujourd’hui un enjeu majeur dans les sports collectifs. Mais avant d’analyser les données, il est nécessaire de les capter avec la plus grande précision possible. Des nouvelles solutions toujours plus faciles d’accès et précises sont développées en permanence. De la captation des données par la vidéo et donc par les caméras installées dans le stade, ou via les capteurs installés sur les joueurs, l’enceinte sportive connectée doit prendre en considération le recueil de ces données sportives qui permettent à une équipe d’être plus performante. De plus en plus de stades intègrent même des « data room » permettant aux experts de fournir des analyses précises et rapides pendant les matchs afin de favoriser la performance de leur équipe.
La captation de ces données, au-delà de leur importance sur le plan sportif, devient aussi essentielle pour faire vivre une expérience enrichie au spectateur et téléspectateur. Analyse plus fine du jeu, données sur ses joueurs préférés, statistiques en direct… et bientôt plus encore, comme nous l’explique la startup Mood Me qui prévoit d’ici quelques années la « création de contenus premium en réalité virtuelle 3D, vendus sous forme de « capsule » où le spectateur peut s’insérer, naviguer et interagir avec les modèles 3D synthétiques de chaque athlète, ainsi que des joueurs munis de senseurs et caméras permettant aux spectateurs de vivre le match en ressentant l’effort du joueur et voir le match de leur point de vue ».
L’enceinte connectée, c’est aussi à terme un terrain mieux connecté aux joueurs grâce à des travaux sur les surfaces et sur les sols. Pourquoi pas demain des pelouses « intelligentes » qui permettront de réduire le risque de blessure grâce à de nouveaux matériaux qui s’adapteraient aux conditions climatiques et aux impacts ?
5. Enceintes connectées, territoires et smart cities
Les grands équipements sportifs constituent un enjeu important pour leur territoire. Le rapport Grands Stades Euro 2016 le soulignait il y a dix ans : « La problématique des Grands Stades (…) est devenue, au fil du temps, à mesure de la démocratisation et de la mondialisation du sport, un enjeu majeur pour nos métropoles régionales, en termes de qualité architecturale, de respect de l’environnement, de confort du public, d’accessibilité et de desserte par les transports. »
L’enceinte sportive, quand elle est bien conçue, peut devenir un moteur pour son bassin de vie. Elle transforme la physionomie du quartier dans lequel elle est implantée, contribue à son aménagement, en assure l’animation et fabrique du lien social. Equipement de prestige, accueillant des événements de haut niveau, elle est un levier efficace pour porter l’image du territoire et renforcer sa notoriété et son attractivité.
Les enceintes connectées devront néanmoins créer de nouveaux liens avec la ville de demain, elle aussi bouleversée par les évolutions technologiques (capteurs, réseaux, stockage de données…). Ces évolutions dessinent une « smart city » ou « ville intelligente » qui apportera de nouvelles solutions à la gestion de l’espace urbain : consommation des ressources (énergie, eau…), nouvelles mobilités, mixité fonctionnelle et sociale des quartiers…
C’est une vision portée notamment par Schneider Electric : « pour la collectivité et les territoires, nous ouvrons la voie vers un bâtiment harmonieusement intégré dans la Ville Intelligente, communiquant avec son environnement, mutualisant ses infrastructures et ses services, permettant ainsi de tirer un bénéfice mutuel des innovations mises en œuvre à chaque échelle de l’espace urbain : logement, bureaux, bâtiment, quartier, ville ».
Établir un lien durable avec la ville est d’ailleurs bien l’une des définitions de la connectivité, comme le souligne la startup YPPA : « Connecté signifie aussi « connecté avec son temps » c’est-à-dire faire des enceintes sportives et de leurs parvis de véritables lieux de vie respectueux de l’environnement (dans 10 ou 15 ans, seuls les véhicules « verts » et les transports en commun « verts » pourront stationner à proximité des stades) ; et dédiés au sport, à l’esport et au divertissement de façon plus globale ».
L’enceinte sportive doit donc trouver sa place dans cette ville de demain et en devenir une composante à part entière pour conserver sa légitimité aux yeux des décideurs locaux.
- Elle doit mieux se connecter avec son milieu urbain (transports en commun, gestion énergétique, logique de services à l’échelle du quartier, sécurité…) et même avoir l’ambition de constituer un équipement préfigurateur en expérimentant de nouvelles solutions, en contribuant à l’émergence de filières économiques locales ou en étant un vecteur de promotion de l’ambition numérique de son territoire.
- L’enceinte sportive doit prendre en compte une nouvelle manière de penser et de concevoir la ville. Le concept de smart city converge de plus en plus avec celui de ville durable, verte et résiliente, et celui de ville participative qui favorise une approche partant des besoins des habitants et des entreprises locales dans une logique de co-production des politiques urbaines.
- L’émergence d’enceintes sportives connectées peut aussi être l’occasion de bouger les lignes sur leurs modes de financement. Les nombreuses constructions et rénovations des dix dernières années montrent que les collectivités territoriales ne se sont pas désengagées. Mais elles s’interrogent de plus en plus sur la pertinence de leurs investissements dans le sport professionnel. Les travaux de modernisation des grands équipements sont souvent vécus par les décideurs publics comme les effets d’une inflation normative imposée par les fédérations et les ligues professionnelles. Il est important que la connectivité ne soit pas comprise comme une mise aux normes supplémentaire mais comme une montée en gamme technologique indispensable pour l’équipement événementiel et conçue en lien avec les ambitions économiques de son territoire.Le financement de l’enceinte connectée devrait à ce titre dépasser le cadre des subventions dédiées au sport et s’ouvrir à des financements dans le cadre des nouvelles technologies, des smart cities et, plus largement, du développement économique.
- La transformation numérique des enceintes sportives exigera aussi une exploitation différente, plus dynamique, axée sur la conquête de nouveaux publics et la création de nouveaux revenus. Elle doit permettre à des clubs d’assumer un rôle plus important dans l’exploitation de leur stade ou leur salle et de mieux maîtriser ainsi leur « outil de travail » – d’autant que les acteurs du sport professionnel et les collectivités territoriales sont souvent d’accord sur cette évolution, quand bien même l’équipement resterait la propriété de la collectivité.
- Dans cette perspective, il apparaît essentiel de bien identifier les bénéfices qui découleraient d’un investissement réussi dans la connectivité d’une enceinte sportive, à la fois dans le retour sur investissement immédiat (revenus générés par de nouveaux types de services) et l’amélioration globale de l’expérience spectateur à plus long terme (meilleure attractivité de l’enceinte par rapport à d’autres lieux de spectacles ou de loisirs, fidélisation des spectateurs et des partenaires). Une connectivité « rentable » devrait augmenter le chiffre d’affaires de l’exploitant et surtout sa marge (créer suffisamment de revenus sans trop augmenter les dépenses).
6. Startups, innovation et sport professionnel
Parler de connexion et numérique, c’est s’interroger sur les nouveaux usages. Force est de constater que les startups ont une grande capacité à anticiper ces nouveaux usages ainsi qu’une agilité qui leur permet de développer les solutions pertinentes. Le sport professionnel ne peut donc pas faire l’économie de s’ouvrir pleinement à ces entreprises nouvelles, innovantes, parfois fragiles, mais souvent pertinentes pour proposer des nouvelles approches, fortes de leur regard différenciant et de leur expérience souvent éloignée du monde du sport. Comme l’indique W Arena : « C’est à nous, le monde de l’entreprise, les startups et les marques, qu’incombe le défi de penser à rentabiliser les investissements qui seront nécessaires sur les 10 prochaines années. »
S’ouvrir à ces entreprises innovantes nécessite en tout premier lieu de les connaître. Les clubs professionnels ou les exploitants d’enceintes n’ont pas toujours le temps ou les moyens de réaliser cet état des lieux des solutions existantes. Etat des lieux d’autant plus difficile que le propre du monde des startups est d’être en perpétuelle évolution.
Des acteurs ont déjà pris l’initiative de « sourcer » ces startups. La Ligue de football professionnel, par exemple, a conclu un partenariat avec le Tremplin, la plateforme d’innovation lancée par la Ville de Paris. Au travers de ce partenariat, la LFP participe à la sélection des startups incubées et organise des rencontres avec les clubs professionnels lors de séminaires ou de conférences – un bon moyen de favoriser les mises en relation et de faire connaître des solutions nouvelles à tous. La Fédération française de football a quant à elle mis en place une cellule innovation performante, transversale aux différents directions, qui permet de mettre en place des services innovants ou d’aboutir à des partenariats structurants comme celui avec My Coach (acteur pionnier des solutions de numérisation des usages et des process dans l’accompagnement et la pratique des sports de masse). En parallèle, pour favoriser le développement des entreprises françaises innovantes du football à l’international, la FFF a créé un « collectif foot » en partenariat avec la LFP, qui permet de faire la promotion du savoir-faire national.
Au niveau des clubs, l’Olympique de Marseille organise l’OM Innovation Cup : il reçoit par ce biais plusieurs dizaines de dossiers sur tous les secteurs qui l’intéressent et a pu prendre connaissance de nombreuses innovations et solutions pour le développement du club. A l’échelle européenne, d’autres clubs sont allés jusqu’à créer leur propre incubateur, à l’image d’Arsenal ou du FC Barcelone.
Au-delà de connaître les solutions existantes, il est nécessaire de pouvoir les tester et les expérimenter. Cela demande de prendre du temps, d’accepter de financer des premières initiatives dont la réussite immédiate est loin d’être garantie. Un risque donc, mais nécessaire pour les clubs qui peuvent dédier des équipes et un budget pour ces projets.
Expérimenter et collaborer avec des startups conduit à développer un écosystème vertueux en France pour les jeunes entreprises innovantes dans le sport. Avec la création du Tremplin et d’autres incubateurs de startups sportives, le soutien actif de Bpifrance, quelques clubs moteurs, et des startups déjà bien installées dans le milieu du sport professionnel (Vogo, Mac Lloyd, Natural Grass, Digifood…), une dynamique extrêmement positive s’installe. Ces expériences incitent les clubs à innover et les entrepreneurs à s’intéresser au monde du sport. Elles facilitent les financements dans ce secteur et permettent aux entrepreneurs ayant déjà obtenu de bons résultats de réinvestir et de soutenir de nouveaux projets.
7. Regards croisés pour dessiner l’enceinte sportive de demain
Réfléchir à la connectivité des enceintes sportives conduit à définir les contours du stade du futur et ses multiples fonctionnalités. Plusieurs des entreprises ayant apporté une contribution à l’étude ont ainsi dressé une vision plus prospective et tenté d’imaginer l’évolution à terme des grands stades et salles. Un exercice qui permet de se projeter et d’explorer ce à quoi pourrait ressembler le sport connecté dans un avenir plus ou moins proche.
L’agence d’architecte Populous et la revue National Geographic avaient déjà conjointement présenté durant l’été 2017 un modèle illustré de « stade de demain » :
- – Une enceinte multifonctionnelle (stade, hôtel, bassin nautique, marquages projetés sur le terrain, équipements de sport en sous-sol),
- – Centrée autour du client (écrans sur tous les sièges, hologrammes flottant au-dessus du terrain avec le score et les statistiques, commandes à la place par drones),
- – À l’exploitation optimisée et durable (traitement et récupération de l’eau de pluie, panneaux photovoltaïques, éoliennes pour produire de l’énergie),
- – Connectée à la ville (changement de couleur de la façade en fonction de ce qui se passe dans le stade et sur la base des émotions des fans recueillies par des capteurs),
- – Et possédant ses propres grappes de serveurs pour faire fonctionner toutes les technologies interactives de l’enceinte.
La société ATOS a proposé une enceinte sportive polyvalente et offrant « de nouveaux services numériques qui augmentent l’interactivité et créent des opportunités de revenus additionnels » : seconds écrans et casques intelligents pour multiplier les angles de vue des spectateurs et avoir accès à des événements à l’extérieur de l’enceinte, statistiques des athlètes accessibles en réalité augmentée, offres personnalisées de contenus et de services en fonction des profils des fans, système de sécurité utilisant la reconnaissance faciale et le Big Data…
La société Openfield décrit une « enceinte intelligente » qui saura pleinement réconcilier à terme les dimensions physiques et digitales de l’événement afin de garantir une prise en considération de l’intégralité du cycle avant, pendant et après l’événement, et qui sera ouverte et reliée à son environnement (smart city, acteurs de proximité, acteurs économiques, etc.). Grâce aux données recueillies et traitées, son fonctionnement sera centré autour de la connaissance et de la compréhension des comportements et des interactions des individus dans l’espace, et la connaissance et la compréhension de l’utilisation des espaces par les individus. Elle garantira ainsi une flexibilité et une capacité d’adaptation complètes de l’expérience client et de la gestion des espaces selon les besoins de chaque population (grand public, partenaires, détenteurs de droits, exploitants, concessionnaires…) et de tous les métiers de l’enceinte.
Synthèse : Quels objectifs pour l’enceinte sportive connectée ?
Garantir une couverture internet pour tous les publics
- Déployer une connexion téléphonique et Internet de qualité égale à celle disponible dans les autres lieux publics ou enceintes de spectacle pour permettre tous les types d’usages quotidiens.
- Laisser la possibilité d’une déconnexion dans l’enceinte et pendant un événement, y compris avec des espaces identifiés « sans WIFI ».
Optimiser la gestion de l’enceinte
- Fluidifier l’exploitation technique de l’enceinte.
- Réduire les coûts de consommation : énergie, eau…
- Faciliter le travail des médias, augmenter les capacités de diffusion TV…
Améliorer les services aux spectateurs et aux partenaires
- Répondre aux besoins fondamentaux des spectateurs et partenaires : informations pratiques en amont de l’événement, parking, accès dans l’enceinte, restauration…
- Densifier et fluidifier le parcours client (gain de temps), faciliter les paiements et exploiter les possibilités du cashless (dématérialisation, moins d’erreurs de caisse, plus de traçabilité, fidélisation des clients).
- Personnaliser le parcours client : créer un lien dès l’achat du billet et après l’événement, localiser le client dans l’enceinte, lui transmettre des offres répondant à ses attentes sur son parcours, identifier des parcours différenciés en fonction des typologies de spectateurs, solliciter au bon moment les spectateurs…
- Expérimenter de nouveaux services, proposer de nouvelles expériences grâce aux possibilités offertes par la connectivité.
- Solliciter au bon moment les spectateurs sans être intrusif : chat/service direct ou avec la communauté, réponse personnalisée…
- Organiser la multiplicité et la réversibilité des espaces en lien avec les besoins.
- Connecter les services de l’enceinte aux services de la ville : transports en commun, parkings, connaissance des flux en temps réel, sécurité….
Créer des liens et partager dans et en dehors de l’enceinte
- Faciliter les rencontres entre les membres du public et les membres de communautés identifiées par l’exploitant.
- Faciliter les mises en contact entre partenaires de l’événement ou du club résident et multiplier les possibilités networking.
- Animer la communauté de fans sur place.
- Faciliter les échanges sur les réseaux sociaux entre les fans dans l’enceinte et en dehors de l’enceinte.
- Créer des liens entre le club et les fans qui ne viennent pas aux matchs.
Valoriser le spectacle physique et associer le spectacle virtuel
- Renforcer le lien entre le spectateur et le spectacle dans l’enceinte.
- Développer des services et des animations numériques permettant de garder l’attention du spectateur pendant les temps morts ou de mieux comprendre le spectacle (ralentis, statistiques, images complémentaires, possibilité d’entendre l’arbitre…).
- Favoriser une expérience immersive, qui permette de sentir et ressentir l’événement (GPS, réalité virtuelle, voix).
- Proposer au spectateur de devenir un acteur du spectacle (ex : diffusion de son contenu sur les écrans).
- Permettre de vivre l’expérience où que l’on soit dans l’enceinte : une enceinte où l’on peut suivre le match… Ou pas.
- Proposer de nouvelles manières de vivre l’événement : reproduction de l’événement sous forme d’hologramme, création de capteurs permettant de ressentir les événements, développement du gaming avec des expériences virtuelles et permettant la reconnexion au sport..